Présentation du sixième atelier « parler pour que les enfants écoutent et écouter pour que les enfants parlent » de Faber et Mazlish
Lilas est une princesse, elle veut toujours que tout le monde fasse tout pour elle et elle ne rend jamais de service à personne. Marcus est une petite terreur, il casse tout, fait des colères pour un rien. Lilas est une casse-cou, elle grimpe partout et tombe tout le temps. Marcus est un râleur, Lilas est la musicienne de la famille, Marcus est le clown de sa classe. Face à certains comportements de nos enfants, nous posons sur eux des étiquettes qui deviennent vite indécollables. Comment ces étiquettes arrivent ? Quelle est leur incidence sur le comportement des enfants ? Comment aider les enfants à s’en défaire ?
Un matin, Lilas demande à son frère de lui amener ses lunettes. Celui-ci lui rétorque qu’elle n’est pas le patron. Un peu plus tard, elle reprend sa maman sur sa manière de lui démêler les cheveux. Celle-ci fait remarquer que Lilas fait à nouveau le patron. Enfin, Lilas reprend son papa qui lui parle. Celui-ci charrie le « grand patron ». C’est ainsi que l’étiquette « Lilas fait le patron » est collée. Ce n’est pas seulement avec les mots que les rôles sont ainsi assignés aux enfants. Les attitudes d’un parent qui anticipe la réponse de l’enfant (comme la présomption de colère du colérique) y participent largement. Quand le parent a une opinion toute faite des réactions de son enfant, qu’il est convaincu que celui-ci réagira d’une manière et pas d’une autre, sans en avoir forcément conscience, il amène l’enfant à agir de la manière qu’il a lui-même imaginé.
L’enfant à qui il est dit qu’il est lent, se sent lent. Chaque événement prouvant sa lenteur sera mis en exergue par l’adulte, voire d’autres enfants, et au fur et à mesure par l’enfant lui-même. Chaque événement apportant un contre-exemple de cette étiquette sera ignoré ou compris comme une « exception qui confirme la règle ». L’enfant modifie ainsi l’image et l’opinion qu’il se fait de lui. L’incidence est alors énorme en terme d’estime de soi. De plus, l’enfant viendra modifier son comportement pour être conforme à l’image que l’adulte a de lui. Un cercle vicieux s’installe, chaque événement venant apporter de l’eau au moulin.
Mais, ce n’est pas une fatalité. En prenant conscience des étiquettes que nous mettons sur nos enfants, nous pouvons faire un choix en conscience et aider nos enfants à quitter les rôles qu’ils jouent. Pour cela, Faber et Mazlish proposent plusieurs habiletés :
Tout d’abord, elles suggèrent de chercher les occasions de présenter à l’enfant une nouvelle image de lui. Ainsi, pour l’enfant maladroit, le parent peut chercher un jouet non cassé et le valoriser ainsi. Dans leur ouvrage, elles racontent cette anecdote. Une maman voulait aider sa fille à quitter son rôle de princesse. Mais, malgré toute sa bonne volonté, elle ne trouvait aucune situation où sa fille faisait preuve de générosité ! Un jour, elle se servit un goûter avant que ses frères ne fussent arrivés à la cuisine. Alors qu’elle se baissait pour ramasser quelque chose par terre, sa mère a saisi le paquet en s’exclamant : « merci d’en avoir laissé à tes frères. C’est ce que j’appelle de la générosité ». Sa fille fut un peu surprise mais bien obligée de jouer le jeu face à l’empressement de ses frères. Elle a ainsi pu goûter au plaisir du partage. Au fur et à mesure, elle a développé cette qualité.
Ensuite, le parent peut mettre l’enfant dans des situations qui lui permettent de se voir sous un autre œil. Faber et Mazlish conseillent, par exemple, de laisser assumer des responsabilités au jeune considéré comme espiègle (« je te charge de nourrir le chien »).
L’adulte peut également donner à l’enfant l’occasion d’entendre des choses positives à son sujet. Les adultes peuvent parler en présence de l’enfant de comportements louables. Attention cependant, à inclure l’enfant dans la discussion en le regardant ou en l’interpellant, afin que celui-ci n’ait pas le sentiment d’être un objet dont on discute sans respect ni égard.
En profitant des capacités phénoménales d’imitation des enfants, l’adulte se doit d’agir comme il souhaiterait que l’enfant le fasse. Par exemple, face à un enfant qualifié de mauvais perdant, l’adulte peut exprimer sa frustration d’avoir perdu et sa capacité à féliciter le vainqueur.
Enfin, Faber et Mazlish proposent aux parents de rappeler les « bons coups » de l’enfant, d’être la « boite aux trésors » de ses réussites : « tu te rappelles quand tu as perdu ton dernier match et que tu as reconnu que l’autre équipe avait bien joué ».
Si l’enfant adopte un comportement inadapté, qu’il reprend son ancien rôle, le parent peut exprimer ses attentes et ses sentiments, de manière ferme : « je m’attends à ce que les affaires soient remis dans leur boite pour ne pas être abimées ».
Ce dernier atelier de la formation « Parler pour que les enfants écoutent et écouter pour que les enfants parlent » est, à mon sens, l’un des plus importants. Nous avons tendance à poser beaucoup d’étiquettes sur notre entourage et chacun peut sentir à quel point cela est dommageable. Le travail de prise de conscience puis de remédiation (pour « décoller les étiquettes ») est long et souvent difficile. Il demande une grande remise en question et une grande vigilance de nos habitudes et manières de faire. En revanche, il est très gratifiant à terme car il permet à nos enfants d’être libres dans leur comportement, d’être eux-mêmes, d’améliorer leur estime d’eux et évidemment de sortir de ces comportements répétitifs que nous jugeons inadaptés et qui perturbent l’enfant lui-même et son entourage.
Et vous ? Donnez-vous des rôles à vos enfants ? Prenez-vous conscience que vous en donnez ? Avez-vous d’autres idées et solutions pour en sortir ?
Ségolène Hartz, psychologue et présidente de L’Accolade