Marcus a encore jeté ses chaussures dans l’entrée. ça fait 10 fois que maman lui a demandé de les ranger dans le placard. Alors, là, Maman hurle la règle. Sa colère jaillit sans crier gare. Papa, présent à ce moment là, rappelle la consigne avec patience, il se dit qu’il est bien normal de devoir répéter plusieurs fois la même chose à un enfant. « C’est ça l’éducation », dit-il, philosophe. Lilas, quant à elle, ne voit pas où est le problème, elle-même oublie toujours de ranger ses chaussures. Face à la même situation, la réaction des uns et des autres est très différente. Pourquoi ? Qu’est-ce qui fait qu’une personne va éprouver une émotion ou une autre ? Qui est responsable de cette émotion ? Que peut-on ensuite en faire ?

La situation vécue est la même pour tous ; la situation perçue n’est, en revanche, pas du tout la même. La différence entre chacun vient de différents facteurs : la « carte de fidélité » trop tamponnée de la maman, la forte croyance de base du papa, la sympathie de la soeur, ce pourrait également être le besoin (d’être obéi, ou respecté, par exemple), l’histoire personnelle (à quoi ça renvoie dans notre propre enfance), le sentiment d’impuissance, etc.

En prenant conscience que ce n’est pas la situation factuelle qui est à l’origine de l’émotion, on comprend mieux que nous sommes responsables de nos émotions. Si je suis très en colère contre untel, ce n’est pas tant pour ce qu’il a fait ou dit mais pour ce que ça me renvoie à moi. Mon émotion m’appartient et vient de moi. Un autre aurait peut-être réagit différemment. Je suis donc la seule source de mon émotion.

C’est peut-être culpabilisant d’une certaine manière car dès lors, je n’ai plus la possibilité d’accuser l’autre de mon émotion. Je dois chercher la cause de mon émotion en moi, ce qui me force à beaucoup de remise en question. Cela peut être évidemment très déstabilisant.

Cependant, cette récupération de ma responsabilité a également une conséquence très agréable : elle implique que j’ai le pouvoir de changer les choses. Une situation récurrente m’insupporte ? J’ai la capacité d’y remédier. Je suis l’unique acteur du changement, changement qui m’apportera de la sérénité, à moi. Je suis l’antiseptique de mon propre mal. Magique, non ?

Non, pas tant que ça… Ce n’est vraiment pas facile de jouer à l’antiseptique !! Ca demande de se remettre en question, de réfléchir, d’analyser, de décortiquer. Et parfois, même une fois le doigt mis sur la source interne à mon mal, pas si simple de s’en débarrasser… Mais quel beau parcours accompli…

Quand l’émotion est comprise, analysée, nous pouvons alors prendre des décisions en conscience, plutôt que d’être dans une réaction non réfléchie, non anticipée. Ainsi, vociférer est une réaction liée à une forte colère. Pour poser un acte en conscience, la maman de Marcus aurait pu utiliser une des habiletés proposées dans le 3ème atelier (ou chapitre) de « parler pour que les enfants écoutent ou écouter pour que les enfants parlent » de Faber et Mazlish (« remplacer la punition »).

Et vous ? Trouvez-vous pertinent d’essayer de comprendre ce qui motive vos émotions ? Prenez-vous la mesure de la responsabilité que nous avons face à nos propres émotions ?

 

Ségolène Hartz, psychologue et présidente de L’Accolade